Depuis 2019, la Côte d’Ivoire réclame la restitution du Djidji Ayôkwé, surnommé le "tambour parleur". Cet imposant objet culturel de 430 kilos et 3 mètres de long, volé par l’armée française en 1916, représente un symbole fort du patrimoine ivoirien. Malgré une restauration réalisée en vue de son transfert, il demeure dans les réserves du Musée du Quai Branly à Paris. La restitution, initialement prévue dans le cadre d’une loi-cadre sur les œuvres coloniales, a été retardée, compliquant davantage ce processus symbolique. Finalement, le sénat a proposé le vote d'une loi d'espèce pour assurer le retour définitif de l'objet en Côte d'Ivoire.
Un processus freiné par des obstacles juridiques
En 2023, une proposition de loi élaborée sous l’impulsion de l’ancienne ministre française de la Culture, Rima Abdul Malak, visait à encadrer les restitutions des œuvres d’art. Cependant, le Conseil d’État a pointé l’absence d’un "motif impérieux" ou d’un "intérêt général supérieur", nécessaires pour déroger au code général des propriétés de l’État. Ce blocage a repoussé l’adoption du texte, privant le Djidji Ayôkwé d’un cadre législatif clair pour faciliter son retour. Ce retard contraste avec les restitutions rapides réalisées au Sénégal et au Bénin en 2021, preuve qu’un cadre législatif adapté permet de surmonter ces obstacles. Pour le sénateur français Pierre Ouzoulias, l’actuel ralentissement résulte d’un manque de volonté politique.
Un dépôt temporaire en guise de compromis
Le 18 novembre 2024, les ministres de la Culture des deux pays, Rachida Dati et Françoise Remarck, ont signé une convention de dépôt, marquant une étape clé dans le processus de restitution. Ce dépôt permettra au tambour d’être transféré prochainement au Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, à Abidjan. Bien que cet accord représente une avancée, il reste insuffisant pour les autorités ivoiriennes et la communauté Ébrié, qui réclament une restitution définitive. La ministre française a également annoncé un soutien au projet de modernisation du Musée des civilisations, qui accueillera le tambour.
Une impatience partagée en Côte d’Ivoire
Lors d’une visite à Abidjan en septembre, des sénateurs français, dont Laurent Lafon, président de la Commission de la Culture, ont constaté une incompréhension face aux retards accumulés. Les attentes des Ivoiriens, notamment de la communauté Atchan, sont fortes, d’autant que les relations diplomatiques entre les deux pays sont bonnes. Pour répondre à cette demande croissante, des parlementaires français ont déposé une nouvelle proposition de loi le 15 novembre 2024, visant une restitution définitive du tambour début 2025. Pour son discours à Ouagadougou en 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à restituer, dans un délai de 5 ans, les biens culturels africains indûment acquis. Mais cette promesse reste inachevée pour la Côte d’Ivoire.
Le rôle clé de la communauté Atchan
En mai 2022, une cérémonie de désacralisation du tambour s’était tenue au Musée du Quai Branly en présence des chefs Atchan et de la ministre ivoirienne Françoise Remarck. Depuis, cette communauté est associée à chaque étape du processus. La ministre ivoirienne a insisté sur la nécessité de coordonner avec les Atchan pour fixer une date idéale pour le retour du tambour.
Le retour du Djidji Ayôkwé dépasse le simple enjeu patrimonial. Il incarne une démarche de justice, de reconnaissance du passé colonial et de réappropriation culturelle pour la Côte d’Ivoire. En accompagnant cette restitution d’un programme de coopération muséale, les deux nations pourraient poser les bases d’un dialogue renouvelé autour de leur histoire commune