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L’architecture religieuse en Côte d’Ivoire : Vers une réappropriation de l’espace sacré

L’architecture religieuse en Côte d’Ivoire : Vers une réappropriation de l’espace sacré/Mosquée de Kong/Réseau Ivoire
L’architecture religieuse en Côte d’Ivoire : Vers une réappropriation de l’espace sacré/Mosquée de Kong/Réseau Ivoire

La Côte d’Ivoire est un carrefour culturel et religieux où se côtoient diverses religions, dominées par celles dites révélées en l’ocurrence l’Islam et le Christianisme. Or, l’héritage architectural colonial domine encore la plupart des lieux de cultes et édifices religieux au détriment des cultures et savoirs locaux.

Dans ces moments où, les débats et réflexions tournent autour de la réappropriation des terres et de l'identité  ivoirienne longtemps étouffées par la colonisation, une interrogation majeure se pose : comment redéfinir les standards coloniaux afin que les lieux de culte reflètent l’identité ivoirienne ?

La diversité des religions en Côte d’Ivoire

Selon le recensement de 2021, la Côte d'Ivoire est un pays laïc avec 42,5% de musulmans, 39,8% de Chrétiens et un pourcentage conséquent d’animistes. La colonisation a profondément influencé l’architecture religieuse du pays, avec des structurations qui ne tiennent pas compte des réalités locales.

Le changement des architectures islamiques

Tout d’abord, parlant de l’Islam. Avant la colonisation, les mosquées ivoiriennes, notamment dans le Nord, suivaient un style soudano-sahélien, fait d’argile et de bois, comme les célèbres mosquées de Kong et de Bondoukou. Ces édifices privilégiaient des matériaux locaux et reflétaient un savoir-faire indigène. 

Cependant, avec la colonisation, ce style traditionnel a souvent été remplacé ou complété par des styles plus "modernisés", intégrant des éléments de construction européens tels que le béton et le carrelage.

L’influence européenne dans les architectures chrétiennes

Du côté du Christianisme, avec le catholicisme, l’influence européenne était plus béate. En effet, les missionnaires catholiques, arrivés avec les colonisateurs français, ont construit des églises dans un style gothique ou néo-roman. Ces structures, souvent imposantes, utilisaient des matériaux importés tels que le béton ou le fer. Pour exemple notable, nous avons la Basilique Notre-Dame de la Paix à Yamoussoukro qui est largement inspirée de la Basilique Saint-Pierre de Rome.

Les églises étaient souvent construites au centre des villes ou des villages pour symboliser la présence coloniale et sa suprématie religieuse et culturelle. Ces édifices servaient aussi de points de ralliement pour la communauté chrétienne naissante. C’est le cas de la Cathédrale Sacré-Cœur de Grand-Bassam, première bâtisse moderne de la Côte d’Ivoire coloniale.

Une architecture hybride pour un avenir culturel

“Nous pourrions imaginer notre propre futur, inventer notre propre modernité. Ce serait nous accorder un minimum de respect” soutient l’architecte nigérienne Mariam Kamara. En fait, il ne s’agit pas de revenir 200 ans en arrière, mais de regarder en face nos réalités économiques, sociales, environnementales, ainsi que notre identité, afin de définir des modèles architecturaux religieux “made in Côte d'Ivoire” qui respectent les lois et valeurs de nos religions tout en reflétant l'identité ivoirienne. Pour se faire, il convient de s’inspirer de ce qui a déjà été fait en ce sens et améliorer.

Pour exemple, au niveau de l'Islam, la construction de mosquées modernes dans les zones urbaines, comme la grande mosquée Mohamed VI de Treichville, Abidjan illustre une hybridation entre le style traditionnel africain et des techniques d’ingénierie plus contemporaines

La mosquée met en avant des matériaux comme le bois et les briques de terre cuite (BTC) souvent issus des ressources locales. Cela rappelle les anciennes techniques de construction utilisées dans les régions du nord de la Côte d’Ivoire, notamment pour les mosquées soudano-sahéliennes.

Pour les décorations, on y retrouve des motifs géométriques et symboliques rappelant les gravures typiques des villages ivoiriens. Ces motifs sont intégrés dans les portes, fenêtres et fresques murales.

Parlant des toitures, elles sont parfois inclinées ou surmontées de bois sculptés, une signature du style africain. Les minarets sont ornés de détails rappelant les traditions artisanales ivoiriennes.

Pour ce qui est culturel et spirituel, nous avons le symbolisme des couleurs : La mosquée utilise des teintes chaudes comme le beige, le marron et l’ocre, qui évoquent la terre ivoirienne et créent une harmonie visuelle avec l’environnement local.En clair, la mosquée de Treichville s'inspire des mosquées comme celle de Kong ou de Boundiali, avec des structures simples, mais imposantes, qui combinent esthétique et fonctionnalité.

Du côté du Christianisme, la construction de l'église Sainte Thérèse d'Assinie par le cabinet Koffi & Diabaté Groupe peut être une inspiration dans la mesure où, l’édifice allie éco-durabilité, ventilation naturelle, modernité et respect des traditions chrétiennes.Il s’agit de refléter l’identité ivoirienne tout en respectant les “exigences” architecturales des religions

En somme, il convient de noter que l’architecture religieuse en Côte d’Ivoire peut être le début de sa réappropriation culturelle et architecturale. Et cela passe par un désir collectif de s’inspirer ce qui se faisait de bien jadis suivant cette vision et de l’améliorer selon nos réalités actuelles afin de proposer des solutions architecturales “made in Côte d'Ivoire” et inventer notre propre modernité

Article de Emmanuel Adjanor, Culture Lovers 2025

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