La colonisation française de la Côte d’Ivoire, officialisée en 1893, visait principalement l’exploitation économique du territoire. Pour maximiser l’extraction et l’exportation des ressources agricoles, forestières et minières, l’administration coloniale entreprit la construction d’infrastructures essentielles : routes, chemins de fer, ports et ponts. Ces travaux furent largement réalisés grâce à la mobilisation contrainte de la main-d’œuvre ivoirienne
Les motivations de la construction des infrastructures coloniales
L’administration coloniale française considérait les infrastructures comme des outils indispensables pour acheminer efficacement les productions locales vers les points d’exportation. Routes et rails permettaient de relier les régions agricolesde l’intérieur aux ports d’Abidjan et de Grand-Bassam.
En effet, en 1950, la Côte d’Ivoire était déjà le premier exportateur de cacao en Afrique de l’Ouest, ce qui justifiait la nécessité d’améliorer le réseau routier. Le gouverneur Gabriel Angoulvant, dès 1908, accéléra les travaux du chemin de fer pour intégrer les cercles administratifs à l’économie coloniale. De même, les routes et ponts furent conçus pour faciliter les exportations de café, cacao et bois, les principales ressources de la colonie .

Routes et chemins de fer : L’épine dorsale de la colonie
Les routes : Dès les premières années de la colonisation , des pistes rudimentaires furent tracées. Elles reliaient les centres de production aux ports. Par exemple, les routes Abidjan-Bingerville et Dabou-Abidjan, construites dans les années 1920, facilitèrent le transport des marchandises agricoles. L’amélioration des routes connait un grand coup de pouce à cette période.
Les nouvelles routes rendent possibles des connexions routières comme Gagnoa-Sassandra en 1923, Abidjan-Gagnoa en1924, Dimbokro-Bouaké, Abidjan-Agboville en 1933. En se basant sur la connexion, l’administration coloniale avait totalisé des kilomètres de développement dans le Sud, le quart Sud, le Sud-Est et le Centre-Est. En effet, ces zones étaient caractérisées par une présence coloniale plus forte qu’ailleurs sur le territoire national.

Les cultures de rentes notamment le café et le cacao ont connu un développement particulier avec d’un autre côté, l’exploitation forestière et les productions agricoles qui ont mobilisé un maximum de compétence afin d’être acheminés vers les différents points d’exportation. La géographie des liaisons routières, s’inscrivait pleinement dans la politique coloniale, qui consistait à extraire des grandes zones de productions agricoles, les principales ressources de la colonie pour les exporter sur la métropole
Le chemin de fer Abidjan-Niger : Inauguré en 1904, il permit de relier Abidjan à Ouagadougou sur 1 145 kilomètres, dont 652 en Côte d’Ivoire. Ce projet mobilisa une main-d’œuvre massive, souvent forcée, soumise à des conditions de travail difficiles. Les sections comme AbidjanDimbokro (181 km) nécessitèrent plusieurs années de travaux en raison de la densité de la végétation et des sols argileux.

Ponts et ports : Points de transit et leviers économiques
Les ponts : Pour compléter le réseau routier,l’administration coloniale entreprit la construction de ponts permettant de franchir les rivières et lagunes. Par exemple, le pont de fer d’Abidjan, construit en 1934, relia la ville au quartier industriel de Treichville, facilitant ainsi l’accès au port. Ces ouvrages furent essentiels pour relier les régions enclavées et améliorer la circulation des biens et des personnes.Les ports : Le port d’Abidjan, développé dès les années 1930, remplaça les wharfs de Grand-Bassam et de Sassandra comme principal point d’exportation. La construction de ces installations maritimes mobilisa des travailleurs locaux pour la manutention et les travaux de génie civil. En 1958, plus de 90 % des exportations de la colonie transitaient par Abidjan.
Mobilisation de la main-d’œuvre ivoirienne
Le Code de l’indigénat, appliqué en Côte d’Ivoire, imposait des obligations de travail forcé. Les populations locales étaient recrutées pour construire routes, rails, ponts et ports, souvent sans rémunération ou avec des salaires symboliques. Les conditions de travail étaient éprouvantes : longues heures, exposition aux maladies et risques d’accidents. Les statistiques montrent que, durant la construction du chemin de fer, la mortalité parmi les travailleurs atteignait parfois 30%, particulièrement dans les zones deforêt dense ou marécageuses. Ces travaux perturbaient également les modes de vie traditionnels, en éloignant les hommes de leurs villages pour de longues périodes

Impact et héritage des infrastructures coloniales
Les infrastructures construites pendant la colonisation sont encore utilisées aujourdhui, bien qu’elles aient été conçues pour servir principalement les intérêts économiques de la métropole. Par exemple, le chemin de fer Abidjan-Niger demeure une artère essentielle pour le transport de marchandises entre le nord et le sud.

Cependant, ce réseau présente des déséquilibres hérités de la période coloniale. Les régions du nord et de l’ouest, jugées moins stratégiques par l’administration française, restent moins bien desservies. En outre, l’accent mis sur les cultures d’exportation a fragilisé les économies locales en négligeant les infrastructures destinées à soutenir l’agriculture vivrière.
La construction des routes, chemins de fer, ponts et ports en Côte d’Ivoire reflète la stratégie coloniale d’exploitationéconomique. Bien que ces infrastructures aient contribué à la modernisation du territoire, elles furent bâties au prix d’un lourd tribut humain.
Article de Cindy Foua, Culture Lovers 2025