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Retour aux sources : La Renaissance du Style Architectural Soudanais en Côte d'Ivoire

Retour aux sources : La renaissance du style architectural soudanais en Côte d'Ivoire/Mosquée Senoufo
Retour aux sources : La renaissance du style architectural soudanais en Côte d'Ivoire/Mosquée Senoufo

Nul n’a pu échapper aux images majestueuses offertes par les Mosquées de style soudanais du Nord de la Côte d’Ivoire. Elles sont principalement situées dans les régions administraAves des Savanes, du Worodougou, du Denguélé, du Bafing et du Zanzan, respecAvement pays Sénoufo, Manding, Lobi et Koulango). Véritables bijoux architecturaux, classés au patrimoine de l’UNESCO depuis novembre 2024 ; ces édifices millénaires ont pourtant encore bien des secrets à nous livrer.

Et si nous vous disions que l’architecture soudanaise avec ses caractéristiques visuelles distinctives et sa principale fonction d’adaptation aux conditions locales (matières premières, climat, savoir-faire) a joué un rôle central dans le paysage urbain de la Côte d’Ivoire. De nos jours, dans une dynamique d’évolution et de développement du pays, il est encore question de la réappropriation et de l’intégration de techniques architecturales ancestrales dans ses modèles d’urbanisation contemporains et futurs. En une phrase : repenser l’urbanisation de la Côte d’Ivoire au travers du prisme de l’architecture traditionnelle.

Mais qu’est-ce que l’architecture soudanaise

Originaire d’Afrique de l’Ouest et plus précisément malinké, l’architecture soudanaise est un style qui a été introduit dans l’Empire du Mali au 14ème siècle. Il s’est ensuite étendu au sein des régions méridionales à la chute de l’Empire Sonrhaï qui a jadis formé le Soudan français après le 16 ème siècle.

Digne héritier de l’architecture traditionnelle africaine, le style soudanais se caractérise principalement par l’utilisation de la terre crue. Elle est souvent transformée en briques de banc, (elle-même composée d'argile macéré avec de la paille, des balles de riz et éventuellement du beurre de karité). Il est également reconnaissable aux pilastres se terminant par des croisées d’ogives et qui dans le cas d’édifices religieux peuvent porter des œufs d’autruche. Il se distingue donc par ses formes organiques et ses lignes fluides, faisant écho aux éléments du paysage naturel dont il est originaire. Actuellement la ville de Djenné au Mali, entièrement construite en architecture soudanaise est l’un des joyaux et la pierre vivante de ceee époque révolue.

Alors comment le style soudanais peut-il influencer les constructions urbaines de la Côte d’Ivoire ?

Une architecture vernaculaire : conjuguer

Une architecture vernaculaire : conjuguer tradition et modernité

Le style soudanais est un des types d’architecture dominant en Côte d’Ivoire notamment du côté de Kong et de Bondoukou. Hormis les édifices religieux que l’on connaît, l’habitat de style soudanais est reconnaissable à son aspect rectangulaire, qualifiée de forme organique avec étage et/ou toit terrasse qui permettent une isolation naturelle contre la chaleur . Ainsi la conjugaison des matériaux locaux, des formes organiques, des toits plats et des murs épais, fait de l’architecture soudanaise, une réelle source d’inspiration pour les architectes contemporains.

Ancienne colonie française, la Côte d’Ivoire porte encore en elle les stigmates de la colonisation notamment au sein de nombreux sites historiques telle que le démontre la ville de Bassam. Pendant cette période, les styles architecturaux traditionnels ont été relégués au second plan, délaissant les techniques et les matériaux ancestraux au profit des procédés occidentaux. Si, l’année 1960 marque l’indépendance ivoirienne, le concept d’architecture de « Post Indépendance » a pourtant lui débuté, bien antérieurement.

L’idéologie, devenue ensuite un mouvement artistique, rassemble ses disciples autour du paradigme de la décolonisation des pratiques architecturales. Tous sont liés par cette idée de panafricanisme, considérant alors l’importance du renouveau des pratiques ancestrales quelques soit leur provenance du continent. Plus encore, ils sont conscients qu’au niveau architectural, celles-ci sont plus adaptées à la topographie africaine. Ainsi, les architectes ivoiriens commencent à adapter leurs conceptions pour mieux répondre aux réalités locales. Ils mettent alors en pratique ce que l’on appelle « l’architecture vernaculaire » en utilisant davantage de matériaux locaux, de techniques et de constructions adaptées aux conditions climatiques du pays. Ces procédés sont également alliés à l’intégration d’éléments culturels ivoiriens tels que les symboles et autres ornements décoratifs. Dès lors, le style soudanais se réapproprie, se transforme, se suggère au travers des nouveaux sites et monuments crées.

Le style soudanais : contemporain et ancré dans les réalités locales

Le réchauffement climatique est l’un des défis principaux des pays africains. La Côte d’Ivoire et l’Afrique de l’Ouest ont enregistré des pics de chaleur exceptionnels l’année 2024. Cette nouvelle réalité climatique interroge de plus en plus sur les solutions d’adaptation à envisager. Parallèlement, la population ivoirienne ne cesse de croître et la densité se fait ressentir dans la capitale économique qu’est Abidjan. Là encore l’alliage de l’urbanisme moderne aux techniques ancestrales est une des formes d’adaptation au changement climatique intrinsèque à la Côte d’Ivoire.

L’urbanisme occidental se révèle souvent décorréler des réalités et des besoins ivoiriens et plus largement africains. Les matériaux durables, écologiques et économiques viables, permettent de réduire la dépendance aux matériaux importés. Pour illustrer le propos de manière concrète, les toits plats et les murs épais offrent une isolation naturelle contre la chaleur ainsi qu’une ventilation naturelle. A l’instar du Gymnase du Lycée Blaise Pascal édifié par les architectes Guillaume Koffi et Issa Diabaté fondateurs du Cabinet Koffi & Diabaté Architectes. Les deux architectes l’ont conçu dans une « démarche de durabilité » afin d’offrir une alternative « méthodes de conception sont trop souvent calquées sur celles des zones tempérées ». La forme rectangulaire et les murs sont en béton brut et une façade perforée rappelant les technique de ventilation naturelle du style soudanais.

Pour finir, cette structure a été primée au World Architecture Awards 2019 comme meilleur projet de la catégorie sport, démontrant ainsi que les méthodes et pratiques locales dans le domaine de l’architecture sont synonyme d’efficience et d’excellence

Article de Solène Jalet, Culture Lovers 2025

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