- "Abidjan est risqué" est une série de témoignages pour donner la parole à notre communauté afin qu'elle partage ses histoires amoureuses. Si vous aussi avez envie de vous exprimer en tout anonymat, écrivez-nous sur redaction@pulse.ci
- Propos recueillis par notre contributrice
"Tu penses que tu peux avoir goumin (chagrin d'amour, ndlr) plus que moi ? Si moi je te dis ce qu'un homme m'a fait, tu ne vas plus croire en l'amour.
C'était mon gars (petit-ami, ndlr) depuis cinq ans. On s'est rencontrés à Ottawa, Canada alors qu'on y était pour des études universitaires. Tu sais comment c'est là-bas. Tout le monde se connaît un peu. En tout cas, si tu es un ivoirien, tu connais d'autres ivoiriens et africains. Il y a cette sorte de communauté. Personnellement, je venais d'arriver dans le pays. Timide, je ne connaissais personne. Mais j'avais un ami dans la même filière que moi. C'est grâce à lui que j'ai rencontré d'autres ivoiriens. Il était très sociable et c'est d'ailleurs lui qui m'a présenté à Karim lors d'une soirée jeu.
Je l'ai tout de suite apprécié. On peut dire du mal de Karim mais tout le monde est d'accord sur un point : le gars est frais !* C'est un beau gosse même. Il est grand, teint noir et il sait se saper*. Donc tu vois, la petite fille naïve que j'étais est tombée sous son charme. Nous avons discuté un peu à la soirée. Il a pris mon numéro et ça a été le début de notre histoire ensemble.
Karim est arrivé à Ottawa, un an plus tôt que moi. Il était à l'aise, il connaissait tous les étudiants africains de notre école. Il était aussi plus âgé que moi de trois ans. J'avais 17 ans quand j'arrivais au Canada. Je pense que la différence d'âge et de personnalité (lui extraverti et moi introverti) m'a poussé à l'idéaliser un peu. J'avais confiance en lui et je comptais sur lui pour beaucoup de choses. C'était également mon premier vrai amour (on ne compte pas les amourettes de lycée) donc ce n'était vraiment pas une relation que je prenais à la légère. Comme on dit, j'ai mis les organes même.*
Quand les choses sont devenues compliquées
On a fait quatre ans ensemble avant que tout se gâte. 4 ! Je finissais mon master et lui, il avait commencé à travailler dans un cabinet, toujours à Ottawa. Je n'avais jamais rencontré ses parents. Il m'avait bien fait comprendre que ça allait être compliqué. Karim est musulman alors que je suis chrétienne catholique. Il m'avait informé dès notre première année ensemble que ses parents et particulièrement sa maman voulait qu'il marie une femme musulmane. Je ne peux pas gâter son nom sur ce point. Il a été clair et honnête. Mais il a dit qu'il allait se battre pour moi, pour notre amour. Et j'y ai cru.
Jusqu'à ce que je tombe enceinte et que je vois ce qu'il en est réellement. Je n'étais pas sous contraception et je n'ai pas été prudente. Résultat : un bébé. J'étais dans tous mes états quand j'ai réalisé que le test était positif. Mais je comptais sur Karim pour me rassurer sur la situation et m'aider à prendre une décision éclairée. ça n'a pas été le cas. Il était encore plus paniqué que moi. Il m'a demandé immédiatement d'avorter. Il faisait le tour de la pièce, disant que ça ne pouvait pas se faire. Je ne comprenais pas pourquoi il était aussi agité.
Mais tu connais les femmes. Je ne voulais pas devenir maman mais comme il s'y opposait complètement, je lui ai dit que j'allais garder le bébé. Advienne que pourra. Ma bouche ! Heureusement, je l'ai su avant qu'il ne soit trop tard.
Les révélations
Quand je lui ai dit que j'allais garder le bébé ce soir-là, il était tellement furieux qu'il a préféré quitter ma chambre. On a passé une semaine sans se parler. Puis, il est revenu me voir. Il m'avait envoyé un message pour me dire qu'il voulait qu'on discute encore de la grossesse. J'ai accepté. Au fond, je ne voulais pas non plus de l'enfant mais je voulais qu'il change son attitude.
Il est venu chez moi, s'est assis dans mon lit avant de me dire de but en blanc : "je vais me marier".
Il m'a regardé droit dans les yeux, sans sourciller.
"Je vais me marier avec une autre. Les préparatifs sont en train d'être faits à Abidjan. Mes parents ont tout arrangé. Je vais rentrer le mois prochain au pays. Donc ce bébé ne doit pas naître parce qu'il n'aura pas de père. Je ne vais jamais le reconnaitre. "
J'ai cru que c'était une blague. Mais il avait son air le plus sérieux. Tout ce que j'ai pu dire, c'est : " En 2019, on fait mariage arrangé encore ? "
Et il m'a répondu : "Non. je l'aime. On se parle depuis plus d'un an maintenant. Elle est musulmane ; mes parents l'adorent. Elle est gentille, encore vierge et respectueuse. Je n'ai aucune raison de refuser ce mariage, pour être honnête."
Mon monde s'est écroulé. Un homme que j'ai connu pendant quatre ans, mon premier amour est devenu un total étranger.
Après ça, j'ai finalement décidé d'avorter. On ne s'est plus reparlé. C'est sur les réseaux sociaux que j'ai vu les images de son mariage. Il. m'a fallu beaucoup de temps pour refaire de nouveau confiance à un homme. Parce qu'on ne sait jamais ; Abidjan est risqué.
*le gars est frais ! : il est beau, il a du charme
*Se saper : bien s'habiller
*j'ai mis les organes même : je me suis investi émotionnellement